2023 outlook
Ce qu’il faut attendre de l’industrie de la chimie en 2023
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Au cours des deux dernières années, l’industrie de la chimie a été confrontée à des défis successifs sans précédent. En 2021, le secteur a dû faire face aux répercussions du Covid-19 et aux difficultés persistantes liées aux chaînes d’approvisionnement. En 2022, la situation s’est répétée, avec en plus des pics d’inflation, une chute de la demande et des hausses de prix. Enfin, alors que les choses semblaient se normaliser, la Russie est entrée en guerre contre l’Ukraine, créant une instabilité mondiale dans des domaines comme l’énergie et le gaz.
Mais face à ces difficultés, l’industrie de la chimie a fait preuve de résilience. Tour d’horizon de nos prévisions concernant les programmes de développement durable, les formulations, la chaîne d’approvisionnement et la demande en 2023.
Des avancées significatives dans les programmes de développement durable
À compter de cette année, près de 90 % des émissions sont destinées à être réduites dans le cadre des engagements en faveur de l’objectif de zéro émission nette. Pour accompagner cette démarche, l’Union européenne a annoncé la mise en place d’une taxe sur le dioxyde de carbone pour les marchandises, comme l’acier ou le ciment, qui entrera en vigueur dès octobre 2023. Tous ces facteurs, associés aux ressources limitées, aux difficultés liées aux chaînes d’approvisionnement et à la guerre en Ukraine, sont autant d’accélérateurs de progrès en matière de durabilité, contraignant les entreprises à évoluer afin de satisfaire aux réglementations, de remplir leurs objectifs et de répondre à la demande des consommateurs.
Parmi les entreprises qui ouvrent la voie figure ArcelorMittal. L’an passé, le groupe a annoncé son intention d’investir un milliard EUR pour remplacer son ancien haut fourneau par une aciérie DRI+EAF utilisant l’hydrogène comme principal combustible. Lorsque sa production démarrera en 2025, ArcelorMittal sera la première usine sidérurgique au monde à ne produire aucune émission de CO2.
Selon nous, un nombre croissant d’entreprises annonceront en 2023 des projets similaires permettant de respecter les engagements « zéro émission nette » d’ici à 2030, notamment dans les secteurs fortement consommateurs d’énergie comme la sidérurgie, où 75 % de l’acier est encore produit dans des usines à fortes émissions, et la fabrication de ciment, où les fours représentent à eux seuls 90 % de la consommation d’énergie.
Des formulations axées sur la réduction de la consommation d’énergie
Les analystes ont qualifié la crise énergétique en cours de tempête parfaite. Un certain nombre de défis, comme la chute des réserves de gaz à un niveau inférieur à la normale et le conflit russo-ukrainien, ont fait réagir la planète. L’industrie de la chimie a ainsi pris conscience que la disponibilité d’une énergie abordable ne serait pas toujours une évidence.
Les produits à haute température par exemple exigent des quantités colossales d’énergie. Avec la hausse des prix, la production de céramiques, de produits réfractaires et de fonderies a été durement touchée. Avant la crise, l’énergie représentait 30 % des coûts de production de la céramique. Au cours du pic estival, elle a atteint plus de 70 %. De leur côté, les fabricants de produits réfractaires ont fait état d’une augmentation de leurs factures d’énergie, l’un d’eux évoquant même une hausse de 700 % sur un mois.
Cela contraint le secteur à repenser son approche de la consommation d’énergie, non seulement dans une optique de durabilité, mais également pour réduire sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles. De nouvelles formulations vont être privilégiées pour compenser la hausse des coûts de l’énergie, avec notamment des tendances dans le secteur des réfractaires axées sur la durabilité, l’isolation, les briques écologiques, les bétons à couler et les matériaux plus faciles à installer.
Entre la crise de l’énergie et les engagements en faveur de l’objectif de zéro émission nette, nous anticipons un nombre croissant d’entreprises s’engageant à adopter l’hydrogène vert. À cette occasion, des formulations complètes devront être remaniées pour tenir compte de l’hydrogène et de ses diverses capacités, que ce soit au niveau de l’approche, du processus, de la technologie ou encore des installations.
Priorité aux alternatives renouvelables et d’origine biologique
Dans la mesure où les produits chimiques intermédiaires constituent le point de départ de la démarche scientifique, les possibilités de promouvoir un changement durable sont considérables. Depuis un an, le nombre de formulations ayant testé des alternatives renouvelables et d’origine biologique aux produits chimiques d’origine pétrolière a augmenté et les résultats sont prometteurs.
L’une de ces alternatives durables consiste par exemple à remplacer les diacides dérivés du pétrole par de l’acide biosuccinique. Il s’agit d’un acide succinique 100 % d’origine biologique qui permet de produire des polyols de polyester et des produits de polyuréthane à faible empreinte environnementale, couramment utilisés dans les polyuréthanes, les résines et les plastifiants. Une autre consiste à remplacer les produits dérivés du pétrole, comme l’acide acrylique, par de l’acide itaconique, un acide dicarboxylique généralement destiné au secteur médical, aux polymères, à la production de résine et au traitement de l’eau. Ces substitutions ne sont possibles que si les produits sont compétitifs par rapport à leurs concurrents d’origine fossile.
Grâce à la réussite de ces avancées, les formulations recourant à des alternatives renouvelables ou d’origine biologique seront privilégiées l’an prochain dans le cadre des programmes de développement durable.
Régionalisation des chaînes d’approvisionnement
Les perturbations qui ont secoué les chaînes d’approvisionnement ces deux dernières années ont mis en évidence de nombreuses fragilités dans l’approche de l’efficacité à l’échelle mondiale. En peu de temps, l’industrie chimique a été confrontée à des pénuries de volume, des fluctuations de prix, une dépendance géographique en matière d’approvisionnement, de longs délais d’exécution et des problèmes de qualité. Et bien que la récente hausse de la production industrielle ait donné au secteur l’espoir d’un retour à la normale, le conflit en Ukraine est venu rappeler l’urgence d’une approche plus résiliente.
Au cours de l’année à venir, un changement devrait s’opérer en faveur de circuits de production durables, résilients et de plus en plus régionaux. Les taxes sur le dioxyde de carbone annoncées récemment ne feront que renforcer cette tendance, incitant les entreprises de l’UE à s’approvisionner davantage sur le marché intérieur. En Australie, par exemple, certaines entreprises s’engagent déjà auprès de fournisseurs nationaux pour éviter tout risque futur lié à la chaîne d’approvisionnement. Le fait de privilégier des sources plus régionales permettra d’accroître la disponibilité, de réduire les délais et de créer un marché plus souple pour les produits chimiques.
Le principal défi posé par la régionalisation sera de concilier coûts et empreinte carbone, dans la mesure où les matériaux d’origine locale sont susceptibles d’être plus coûteux. Mais pour beaucoup, l’investissement dans des matériaux plus facilement accessibles peut constituer un choix judicieux si l’on considère qu’un retard de production peut coûter des millions.
Une demande plus imprévisible
Au cours du second semestre 2022, la demande a progressivement diminué et, aujourd’hui, alors que le risque de récession est évoqué à travers le monde, l’année 2023 s’annonce quelque peu imprévisible. Si l’on examine plus particulièrement l’industrie de la chimie, des marchés comme celui de la construction présenteront une plus grande volatilité en raison du coût élevé des matériaux et de la hausse des taux d’intérêt.
Les experts tablent déjà sur un ralentissement de la croissance économique mondiale à 2,7 %, contre 3,2 % en 2022. Dans ce contexte, une hausse de la demande semble peu probable au premier semestre, et il est encore trop tôt pour se prononcer sur le second semestre.
Certes, nous n’avons pas de boule de cristal, mais tout porte à croire que l’année 2023 présentera à l’industrie de la chimie de nouveaux défis et de nouvelles opportunités en matière de durabilité, de formulations et d’approvisionnement. Nous suivons de près l’évolution du marché et de la demande afin de rester attentifs à l’impact que les tendances mondiales peuvent avoir sur nos clients et partenaires. Abonnez-vous à notre bulletin d’information consacré aux Solutions industrielles pour rester informé de l’actualité, des tendances et des défis qui concernent le secteur.